Alec a vu le jour à Glasgow, en Écosse, et a été élevé par sa mère – son père était décédé quelques mois avant qu'il ne vienne au monde. Son enfance n'était pas désagréable, il avait l'air d'un petit garçon tout à fait normal, et se plaisait dans l'humidité écossaise. Jusqu'à ses dix ans où, sans crier gare, il a été capable de discuter avec les machines. Il a bien vite compris que ce n'était pas normal, que personne d'autre n'avait ce genre de capacité. Alec en a parlé avec sa mère, il avait peur, il ne comprenait pas. Il voulait une oreille attentive, un peu d'aide, mais sa pauvre mère n'était pas quelqu'un de cultivé, et encore moins d'instinctivement maternelle. Quand elle comprit que son fils sortait de la norme, elle s'en éloigna, l'incriminant pour les problèmes financiers qu'ils connaissaient. Elle jurait, rageait, prétextant qu'il était habité par le Diable, et pour cette raison, Dieu les punissait tous les deux. Alec a passé toute son adolescence à haïr sa mère, haïr cette vie et cette différence, qui faisait de lui un parjure, aux yeux de sa propre famille, aux yeux de ses camarades si ceux-ci, un jour, le découvraient. Lorsqu'il atteignit ses dix-huit ans, il quitta Glasgow, il quitta sa mère avec laquelle il n'a plus aucune relation, et partit entreprendre des études d'économie. C'est seulement quand il rencontra Connor, qu'il prit mesure de la beauté de son don, et qu'il décida de l'aider à monter le mouvement Drop Out. Il fut le premier membre, et encore aujourd'hui, est le meilleur ami de Connor. Les deux se comprennent, se suffisent l'un à l'autre, ils ont une mécanique bien huilée qui fonctionne sur la complicité et la confiance qu'ils se portent ; ce sont eux, les porteurs de l'espoir, les véhicules du message égalitaire de Drop Out. Alors, Alec n'a pas fini ses études, mais il n'en a pas besoin, il lui suffit de dialoguer avec les machines et l'argent sort de lui-même, sa main posée sur l'ordinateur, et les fraudes fiscales se multiplient, ce n'est pas un réseau internet qui l'arrête, ni quelques mots de passe bien trouvés. Alec est un boulet de canon version binaire.

Ellen est née en Ukraine, dans la campagne pauvre et miséreuse, et déjà à peine plus grande qu'un bouquetin, elle voulait quitter le pays, quitter sa famille, quitter cet enfer où elle se sentait piégée. Il faut dire que travailler dans les champs dès six ans, plutôt qu'aller à l'école, ce n'était pas ce qu'elle attendait de la vie. Un père rustre et mal embouché, qui se réchauffait à la vodka, et une mère soumise, bonne à enfanter des fœtus morts-nés une fois sur deux, ce schéma dégoûtait la jeune Ellen, qui pour les siens, ne ressentait que de la pitié. À force de supplications, elle réussit à avoir de son père l'autorisation d'aller en ville, à quelques kilomètres, afin de vendre les maigres récoltes des mois passés. L'agitation nouvelle, et la possibilité de fuir, excitèrent l'instinct aventureux de la jeune fille, qui pourtant se contenta d'installer un stand et d'alpaguer les passants pour un peu d'argent. Mais peu s'arrêtaient, et moins encore achetaient réellement - alors Ellen passa à l'action, et se montra habile kleptomane. Ce qu'elle volait, elle le gardait de côté, en vue d'un départ prochain. En parallèle, et avec la fin de l'enfance et la venue de l'adolescence, les changements hormonaux de la jeune fille provoquèrent des transformations .. inquiétantes. Le feu, elle pouvait contrôler le feu. Faisant de son mieux pour le cacher à ses parents, qui y verrait un nouveau moyen de gagner de l'argent en l'exploitant, elle s'entraîna d'elle-même, sans grand succès, jusqu'à ses douze ans, où à la ville, elle rencontra Connor Newton. Munie de ses économies, sans un regard en arrière, elle le suivit comme un mouton égaré suit son berger - et les années qui suivirent, il prit d'abord la place du père avant de devenir l'amant, le premier et le seul, qu'elle voit comme un messie, véhicule d'idéaux auxquels elle adhère totalement. Pionnière de son mouvement Drop Out, elle fait partie des six premiers membres, et fut la plus jeune recrutée de l'histoire du mouvement, pour lequel elle lutte toujours activement.

La première fois que Samaël est descendu sur terre, c'était pour apporter sagesse et réflexion aux hommes. Il s'attendait à trouver des sauvages, des gens primitifs et insensés, mais la réalité le frappa : les hommes n'étaient pas aussi brutes et violents qu'on le lui avait dit, du moins ne l'étaient-ils pas tous, pas tout le temps. Ils connaissaient les passions, les sentiments, ces choses qui les faisaient agir avec amour ou haine, cupidité ou altruisme. Bien sûr, certains démons et certains anges y mettaient du leur, participaient à cet équilibre entre bien et mal, mais Samaël trouvait ça plus curieux qu'inquiétant. Il aimait bien les hommes, il aimait leur science et leurs procédures, leur anatomie, les assemblages de leurs gênes et leurs mutations, au fil du temps. Si bien que la science devînt intérêt, puis passion, et rapidement obsession. Il en perdit ses ailes, devenant mortel, plus ou moins. Convaincu que sa chute était en réalité un message des hautes instances divines, pour lui spécifier qu'il devait organiser et accompagner l'évolution de l'espèce humain, Sam s'est mis en quête du meilleur moyen pour, justement, aider au passage d'une norme à une autre. Il a rejoint Drop Out sans savoir qui ils étaient ; son allure insolente, son côté dragueur et fonceur, lui ont réservé un poste en première ligne, mais ce n'est pas le genre de Sam. Il a décliné l'offre, timidement, et s'est cantonné à son laboratoire, où il passe des jours entiers, totalement ignorant des actes terroristes de Drop Out qu'il considère pacifiste.

Libbye maniait vraiment bien le fouet. À vrai dire, elle trouvait cet instrument parfait pour la torture, alliant à la fois caresse et brûlure, jusqu'à écorcher les peaux les plus robustes. Quand est-ce qu'elle s'en est lassée ? À quel moment les hurlements de douleur n'ont plus rien provoqué chez elle, quand a-t-elle désiré plus ? Elle connaissait le monde d'en-haut, elle s'y était déjà rendue, semer colère et cadavres. Elle avait trouvé les hommes ternes, la lumière trop forte. Désormais, l'obscurité la fanait. Elle sentait la fadeur de sa propre peau, l'odeur âcre de décomposition la révulsait, alors elle est montée, au plus haut, jusqu'à ce que ses ongles écorchés rencontrent le vide. Jusqu'à ce qu'elle atteigne la surface. Elle n'était pas la première, à quitter le nid, et ne serait pas la dernière - il y avait déjà des réseaux mis en place, des endroits où aller pour une nouvelle identité, pour un nouveau départ, loin de la clandestinité. Ce qu'elle avait à faire, c'était cacher sa vraie nature, rien de bien difficile. Au début. Après que ses pulsions l'aient révélée comme surnaturelle - parce que le pêché de colère ne s'efface pas aisément - elle a été traitée comme une paria, exclue de la société. Ce n'était pas pour ça qu'elle avait quitté son foyer, ce n'était pas ce qu'elle voulait. Lorsqu'elle rencontra Connor Newton, elle embrassa un nouveau mode de vie, une marginalité cette fois choisie, pour le bien de tous les futurs démons repentis, et si pour elle, tous les humains sont à jeter tant qu'ils ne revoient pas leurs à priori, il y en a bien un, qui la fait chavirer, mais c'est une repentie fière, Libbye, et elle ne dira rien de plus.

Timothy a toujours été un homme intelligent, aussi loin qu'il s'en souvienne, déjà établissait-il des ruses et stratagèmes pour obtenir ce qu'il voulait. Bien sûr, au fil des ans, ses désirs grandirent avec lui. Il souffrait d'une phobie du rejet qu'il voulait plus que tout contrer ; ses amis se comptaient sur le doigt d'une main. Sa prédisposition à la manipulation effrayait la plupart des prétendants au titre d'ami, si bien que lorsqu'il rencontra Jane, leur histoire devînt le centre de sa vie. Réussir avec brio des études de finance, monter son entreprise en écrasant ses adversaires .. tout était calculé pour gagner le respect et l'admiration de Jane, pour la combler. En retour, elle l'emmena au septième ciel lorsqu'elle lui donna un enfant, une petite fille. Timothy s'efforçait de cacher son don à sa femme, au monde entier. Provoquer la douleur, ce n'était pas le genre de chose dont on pouvait se vanter, il réservait ce pouvoir aux combines professionnelles, et le laissait à la porte de la maison ensuite. Puis Jane décéda. Cancer. Dire que c'était lui qui l'avait initiée à la cigarette, back in the day. Tim se retrouva seul, avec sa fille, le dernier lien entre feu son épouse et lui. Il sombra, petit à petit, dans une dépression qu'il tentait du mieux que possible de cacher. Sa fille n'en fit jamais les frais, non ; mais son entreprise, oui. Il la porta au sommet, et l'orienta vers Drop Out, dont il rejoignit les rangs. Au-delà du business honnête qu'il effectuait, et dont les bénéfices assuraient une partie des fonds du mouvement, il trafiquait avec les groupes terroristes du monde entier, ramenant des armes pour les soldats de DO. Membre éminent et influent, sa fille lui glissa entre les doigts alors qu'il se noyait sous le travail, et se murait dans une haine virulente du genre humain. Il s'est retrouvé encore plus abattu lorsqu'elle a quitté le domicile familial pour rejoindre l'Institut, et depuis, les deux ne se parlent que via de longues lettres, évitant soigneusement tout débat politique puisqu'ils sont conscients, l'un comme l'autre, que jamais ils ne pourront plus s'entendre sur les idéaux qui gouvernent leurs actes.

Qu'elle était bien, au ciel. Pas de doute, de peur ou de douleur, là-haut, au ciel. Pas de passion, pas de perte, une simple plénitude qui lui allait très bien. Pourquoi a-t-il fallu qu'elle se prenne pour une bonne samaritaine, qu'elle se mette à sauver tous les innocents qu'elle voyait, de son nuage ? Prielle a perdu ses ailes parce qu'elle ne voulait pas voir des hommes mourir, que ce soit par accident, par meurtre, qu'importe. Prielle avait un trop grand cœur. Maintenant, le sien bat, ses ailes se sont arrachées et elle a débarqué sur terre sans trop savoir quoi faire. Sa bonne volonté et le désir d'aider son prochain l'ont guidée vers la médecine. Infirmière de bas-étage, elle a gravi les échelons assez rapidement, pour quelqu'un sans réelle qualification. Elle a appris sur le tas, de toute manière elle n'avait pas trop le choix, et à Kyoto, certains employeurs n'étaient pas très regardants. Elle a rencontré Timothy Lightenfell lors d'un de ses séjours au Japon. Il s'est cassé le poignet, et elle s'est occupée de lui. Parfois, il lui arrive de se demander comment serait sa vie, si elle ne s'était pas levée ce jour-là, ou si elle avait été affectée à un autre patient. Parce que c'était la dernière fois qu'elle voyait le Japon alors : il l'embarqua avec lui le soir-même, pour son retour en Irlande, où il la déposa au siège de Drop Out. La pauvre ne savait pas ce qu'il se passait, on lui avait juste promis une bonne somme d'argent. Dieu sait qu'elle avait besoin d'argent, elle était miséreuse là-bas, sur l'îlot asiatique, et son travail ne lui permettait que de survivre. Elle avait souvent rêvé à l'amour, alors qu'elle venait de perdre ses ailes. Une passion dévorante, un prince charmant vêtu d'un beau costume, avec assez d'argent pour l'entretenir jusqu'à la fin, un homme à qui elle ferait quelques enfants, une vie d'humaine heureuse. Timothy aurait pu être ce prince, du moins le croyait-elle, au début. Il venait de la sortir de la misère, après tout. Juste pour la placer dans un nouveau bordel, une organisation qualifiée terroriste. Comment avait-il su qui elle était ? Un ange déchu. Devenue médecin parmi tant d'autres - quelle promotion ! - Prielle n'avait, en l'occurrence, pas son mot à dire. Elle suivait le mouvement, faisait ce qu'on lui demandait, et s'adaptait comme elle le pouvait à cette nouvelle vie, certes mieux payée, en s'inquiétant d'être renvoyée chez elle à Kyoto, à n'importe quel moment. Sous la coupe de Lightenfell père, il se révéla être le grand vilain qu'elle voulait à tout prix éviter, sur terre, et si elle n'avait pas ses amis, si elle n'avait pas réussi à se construire une nouvelle vie ici, peut-être serait-elle plus motivée à trouver ce fameux moyen de retourner là-haut, elle a la nostalgie d'eden.

August n'a jamais été quelqu'un de vraiment doué, scolairement parlant. Il a redoublé une fois, seulement, mais la menace de retaper une année planait à chaque fois, et il passait de justesse. Il n'était pas vraiment taillé pour l'école, de toute façon. Il passait des journées entières, sous la chaleur guadeloupéenne, à travailler dans la concession de ses parents. Physiquement, il était costaud, bien bâti. Intellectuellement, sans être un abruti fini, il n'avait pas les capacités d'aller plus loin. Pourtant, il voulait voir le monde, il voulait faire quelque chose d'utile dans sa vie. L'armée de terre fit une conférence de prévention et d'information durant sa dernière année au lycée - et lorsqu'il y assista, la vie d'August changea du tout au tout. Il savait ce qu'il voulait faire, désormais : se battre pour des idéaux. Il s'engagea sans trop y réfléchir, il partit en formation où il y découvrit ce don, si spécial. Cette force extraordinaire, qu'il dût apprendre à maîtriser rapidement s'il ne voulait pas blesser l'un de ses coéquipiers. Souvent, on attribuait à August le tas de muscles sans forcément penser qu'il pouvait réfléchir, qu'il était apte à établir des stratégies, qu'il était plus qu'un physique bien fait et puissant. Summer, la première, le considéra comme un tout, un esprit et un corps. Elle était une civile rencontrée durant une mission, elle était une belle femme qui fit découvrir à August les joies de l'amour, le premier amour. Ils se marièrent vite et jeunes, sans penser à l'après - en se disant que, peut-être, il n'y aurait pas d'après, parce que la guerre est dangereuse, c'est une évidence. Il y avait ces trucs propagandistes au sein même de l'armée, ces affiches et ces flyers pour un mouvement clandestin, Drop Out. Un groupe de mutants, se battant pour les droits de tous. August, au début, n'y fit pas attention, mais alors que les autres commençaient à le voir comme un outsider, un monstre de foire, de par cette force qui ne pouvait qu'être surnaturelle, il prit parti pour les siens, et rejoignit ledit mouvement. Ce ne fut pas une mince affaire, mais finalement, il arriva à se faire embaucher, comme agent, et son entraînement militaire lui fut d'une grande aide. Fidèle à Summer, il lui révéla ce qu'il faisait maintenant, son emploi et Drop Out, tout en s'arrangeant pour la faire venir à Dublin, Irlande, où il officiait actuellement. Le petit couple était enfin réuni, et ç'aurait pu être parfait si August n'avait pas rencontré Scarlett, s'il n'avait pas craqué pour cette demoiselle à l'innocence feinte. Maintenant, August, jusque là habitué à suivre les ordres sans prendre de véritable décision par lui-même, se retrouve confronté à des choix et des remises en question qui le dépassent.